LE DÉSERT DES TARTARES

Quatrième de couverture : 

Giovanni Drogo a choisi la carrière des armes. Dans une forteresse oubliée, aux confins de la frontière du Nord, il attendra de longues années, face à l’étendue aride, le début d’une guerre improbable. Jusqu’au jour où les mirages du désert s’animeront.
Traduite dans le monde entier, cette vision allégorique saisissante de notre condition, de nos illusions et de nos rêves, est devenue l’un des classiques du XXe siècle.


Les rêves de gloire du jeune officier Giovanni Drogo s’arrêtent brusquement au fort Bastiani, dernière sentinelle d’une « frontière morte ». Que faire ? Rester et taire les tentations de la jeunesse, ou partir et avouer sa faiblesse devant l’épreuve qui l’attend ? La vanité militaire l’emportera et avec elle l’espoir d’un destin héroïque, mais c’est au confortable quotidien inlassablement identique qu’il va aliéner sa vie. Il ne se passera rien au fort qui puisse susciter tant d’espoir, rien qui puisse justifier l’absurde attente, si ce n’est l’emprise du désert. Lorsque, enfin, sonnera l’alarme, Drogo sera trop vieux et trop malade. Alors, résigné, il guettera serein son ultime ennemi… Dans cette spirale étourdissante où tout est scellé d’avance, l’ironie répond à la fatalité et Buzzati signe ici un ouvrage admirable de désespoir.





L'auteur : Dino BUZZATI

Nationalité : Italie, né à : San Pellegrino di Belluno , le 16/10/1906 Décédé à : Milan , le 28/01/1972 Dino Buzzati est un journaliste, peintre et écrivain italien. En février 1928, Dino Buzzati entre comme journaliste au Corriere della Sera, le plus grand quotidien du pays. A la fin des années trente, il est envoyé comme correspondant en Afrique. Il rentre à Milan en 1940 et devient chroniqueur de guerre à bord de différents croiseurs. En 1959, il connaît une déception amoureuse qui va lui inspirer « Un amour » mais en 1960, il fait la connaissance de Almerina Antoniazzi qui restera sa compagne jusqu’à la fin de sa vie. C’est en 1970, qu’on lui découvre un cancer du pancréas dont il décédera deux ans plus tard. L’œuvre de Dino Buzzati est très prolifique. Outre ses romans (dont le plus connu est « Le Désert des Tartares »), il a aussi écrit des nouvelles (dont le recueil « Le K », considéré comme l’une de ses œuvres les plus importantes), des contes moraux, des poésies burlesques, des pièces de théâtre et des scénarios de film. Il ne faut pas oublier son œuvre picturale : peinture et dessins.


Mon avis : 

Après quelques déceptions de lecture, et sur les conseils de mon ami Georges, je me plonge dans un roman qui est répertorié à juste titre comme un classique du XXème siècle. Bien m’en pris, j’ai retrouvé ici le souffle et la puissance que l’on ressent en se plongeant dans un chef d’œuvre.


Giovanni Drogo est un jeune militaire, lieutenant fraîchement sorti de l’Académie, il reçoit une affectation pour le fort Bastiani, un fort qui garde une frontière morte, loin de tout, loin des plaisirs de la ville, une nouvelle vie bien différente va commencer.
En arrivant dans ce fort entouré par une vallée, par des montagnes et par une plaine infinie faite de rochers et de buisson, le désert des Tartares, il n’a qu’une envie c’est de ne pas moisir dans ce sinistre endroit, il se donne 4 mois pour demander sa mutation.
Le fort est triste, un lieu d’inaction, un règlement militaire jusqu’à l’absurde, aucune distraction et un maître mot l’attente, toujours l’attente.
L’attente d’une improbable guerre venue du Royaume Nord, du désert des tartares, une guerre synonyme de gloire pour ces militaires. Et pendant cette attente, le temps passe inexorablement, sans s’en rendre compte c’est un espèce d’envoûtement collectif qui s’empare de cette garnison, certains officiers sont là depuis plus de 20 ans.
Et notre héros Giovanni Drogo n’y échappe pas, les 4 mois deviennent 4 années et bien plus , le temps fuit et quand il s’en rend compte il est trop tard.
Un roman extraordinaire, un roman sur l’attente, sur l’absurde, sur le temps qui file, sur la solitude de l’homme face à la vie.

Extrait : 

Jusqu’alors, il avait avancé avec l’insouciance de la première jeunesse, sur une route qui, quand on est enfant, semble infinie, où les années s’écoulent lentes et légères, si bien que nul ne s’aperçoit de leur fuite. On chemine placidement, regardant avec curiosité autour de soi, il n’y a vraiment pas besoin de se hâter, derrière vous personne ne vous presse, et personne ne vous attend, vos camarades aussi avancent sans soucis, s’arrêtant souvent pour jouer. Du seuil de leurs maisons, les grandes personnes vous font des signes amicaux et vous montrent l’horizon avec des sourires complices ; de la sorte, le cœur commence à palpiter de désirs héroïques et tendres, on goûte l’espérance des choses merveilleuses qui vous attendent un peu plus loin ; on ne les voit pas encore, non, mais il est sûr, absolument sûr qu’un jour on les atteindra.

Est-ce encore long ? Non, il suffit de traverser ce fleuve, là-bas, au fond, de franchir ces vertes collines. Ne serait-on pas, par hasard, déjà arrivé ? Ces arbres, ces prés, cette blanche maison ne sont-ils pas peut-être ce que nous cherchions ? Pendant quelques instants, on a l’impression que oui, et l’on voudrait s’y arrêter. Puis l’on entend dire que, plus loin, c’est encore mieux, et l’on se remet en route, sans angoisse.

De la sorte, on poursuit son chemin, plein d’espoir ; et les journées sont longues et tranquilles, le soleil resplendit haut dans le ciel et semble disparaître à regret quand vient le soir.

Mais, à un certain point, presque instinctivement, on se retourne et l’on voit qu’un portail s’est refermé derrière nous, barrant le chemin de retour. Alors, on sent que quelque chose est changé, le soleil ne semble plus immobile, il se déplace rapidement ; hélas ! on n’a pas le temps de le regarder que, déjà, il se précipite vers les confins de l’horizon, on s’aperçoit que les nuages ne sont plus immobiles dans les golfes azurés du ciel, mais qu’il fuient, se chevauchant l’un l’autre, telle est leur hâte ; on comprend que le temps passe et qu’il faudra bien qu’un jour la route prenne fin.



Il parut à Drogo que la fuite du temps s’était arrêté. C’était comme si un charme venait d’être rompu. Les derniers temps, le tourbillon s’était fait toujours plus intense, puis, brusquement, plus rien, le monde stagnait dans une apathie horizontale et les horloges fonctionnaient inutilement. La route de Drogo avait atteint son terme ; le voici maintenant sur la rive solitaire d’une mer grise et uniforme, et alentour pas une maison, pas un arbre, pas un homme et tout cela est ainsi depuis les temps immémoriaux.
Des extrêmes confins, il sentait avancer sur lui une ombre progressive et concentrique, c’était peut-être une question d’heures, peut-être de semaines ou de mois : mais même les semaines et les mois sont une bien pauvre chose quand il nous séparent de la mort. La vie donc n’avait été qu’une sorte de plaisanterie : pour un orgueilleux pari tout avait été perdu.

Le film : 

Film de Valerio Zurlini · 2 h 20 min · 12 janvier 1977 (France) Vittorio Gassman – Colonel Giovanbattista Filimore Giuliano Gemma – Major Matis Helmut Griem – Lieutenant Simeon Philippe Noiret – Général Jacques Perrin – Lieutenant Giovanni Drogo